Pour l’horlogerie suisse, le temps s’est arrêté…
C’est inédit dans l’histoire de l’horlogerie suisse: les fabriques et ateliers sont clos suite à la pandémie de coronavirus. Depuis mardi 17 mars 2020, les plus grandes manufactures ferment progressivement leurs sites de production.
Malgré toutes les mesures mises en place par les entreprises, il était devenu impossible de faire respecter les mesures d’éloignement décrétées par le Conseil fédéral et les Cantons.
Rolex, Patek Philippe et Hublot ont été parmi les premières à prendre cette décision. Rolex a ainsi annoncé que ses sites de Genève, Bienne et Crissier étaient fermés jusqu’au 27 mars. Une date qui pourra être repoussée en fonction de l’évolution de l’épidémie et des recommandations des autorités. Il en est de même pour Patek Philippe. Du côté des marques du groupe LVMH, Hublot a décidé de fermer jusqu’à nouvel ordre le site de production de sa manufacture de Nyon. Tag Heuer vient de faire de même le 18 mars dernier. La vallée de Joux, cœur historique de l’horlogerie, est en première ligne, avec des maisons comme Audemars Piguet, fermée au moins jusqu’au 31 mars prochain: «en cette période d’incertitude, le fait que les gens soient en sûreté est au cœur de nos priorités. C’est pourquoi nous avons décidé de fermer nos sites de production en Suisse, de même que certaines de nos bureaux et certaines de nos boutiques», a expliqué la marque sur Twitter. Chanel a également annoncé avoir stoppé sa production et fermé progressivement ses sites en France, Italie et Suisse pour deux semaines. Enfin, le 19 Mars, Bucherer a décidé de clore ses points de vente, ainsi que les boutiques Tourneau aux USA et à travers le monde.
Le Swatch Group en activité restreinte
De son côté, le Swatch Group, propriétaire d’Omega, Tissot, Breguet, Blancpain, Jaquez Droz ou Harry Winston, a confirmé des réductions des horaires de travail allant de 50 à 95% selon les sites. Dans un format un peu spécial de visioconférence, devant une assistance constituée de 99 nounours liés à une œuvre caritative, Nick Hayek, président du groupe, a dressé l’état des lieux cette semaine: «C’est une situation temporaire, que nos collègues et clients en Chine ont connue en premier, alors que les choses y reviennent à la normale. Cela nous oblige à changer nos habitudes, et c’est une bonne chose. Ralentir nous permet de penser un peu avant de faire quelque chose, même si nous devons réagir vite.»
«Nous restons concentrés sur notre stratégie à long terme, même en réagissant à la crise, a expliqué Peter Steiger, chef du contrôle de gestion, à ses côtés lors de cette conférence. Nous revoyons la situation tous les jours, nous nous adaptons. Les magasins et les bureaux sont ouverts en Asie. En Europe, la plupart des magasins ont dû fermer, et nos équipes fonctionnent de façon réduite. Aux USA, c’est à peu près comme en Europe. Pour les sites de production, non par manque de composants, mais parce que les équipes, venant d’Italie ou de France ne peuvent venir, la situation concrète est que 42% de nos équipes de production sont en activité réduite. À la fin de la semaine, 60 70% des sites de production seront en activité réduite.» La production a-t-elle été suspendue? «Oui, pour quelques jours, cela change tous les jours, a confirmé Nick Hayek. Mais nous n’avons pas d’usines fermées, seulement certaines parties, pour que les employés soient en sûreté. Bien sûr, les ventes sont fortement affectées par cette pandémie, pour tous les produits. En février et mars, les ventes sont fortement affectées, après de bonnes ventes en janvier. N’oublions pas qu’une année compte 12 mois et que l’on parle de deux mois vraiment exceptionnels. Je suis aussi un client, pas motivé, préoccupé par autre chose, avec d’autres priorités en ce moment. Et ces priorités changeront une fois la crise finie. Nous avons vu cela tant de fois. À quel rythme, rapidement, ou non, le rebond viendra-t-il? On ne le sait pas mais cela arrivera, c’est sûr.»
C’est du coup quasiment l’ensemble du secteur horloger qui est actuellement à l’arrêt du fait de l’épidémie, non seulement en Suisse mais aussi à travers le monde. En amont, les nombreux petits sous-traitants ont dû eux aussi cesser leur activité quand, en aval, les boutiques et points de vente ont fermé leurs portes, entre confinement croissant et absence de clientèle, notamment chinoise. Cette cessation de l’activité horlogère, inédite, aura clairement des répercussions dans les semaines et mois à venir, notamment pour les intérimaires et les travailleurs frontaliers.
Déjà, aux premiers temps de l’épidémie de coronavirus qui avait d’abord touché la Chine et l’Asie, le Swatch Group avait annulé ses présentationsTime To Move à Zurich, pour la presse et ses revendeurs. Puis, fin février, c’est le salon Baselworld, à Bâle, qui était annulé, pour se tenir désormais en janvier 2021, ainsi que le salon Watches & Wonders (ex-Salon International de la Haute Horlogerie), qui devait se tenir du 25 au 29 Avril à Genève. Et si plusieurs marques ( Breitling, Girard-Perregaux, MB&F, Ulysse Nardin, De Bethune, Urwerk…) avaient, sous l’égide de Jean-Christophe Babin (Bulgari), annoncé des Geneva Watch Days pour fin avril, l’idée a finalement été abandonnée ou, a minima, reportée à septembre prochain. De même, outre-Atlantique, les JCK Watch and Jewelry Show de Las Vegas, prévus du 2 au 5 juin prochain, sont également reportés à une date indéterminée.